Comment devenir un vigneron breton

Vous rêvez de devenir vigneron en Bretagne ? Vous n’êtes pas le seul, et la bonne nouvelle, c’est que c’est possible. MAIS c’est compliqué, et il faudra surmonter beaucoup d’obstacles, et surtout, être patient.

Voici les principales étapes d’un projet viticole en Bretagne administrative, et les conseils d’Aurélien Berthou, vigneron et responsable pédagogique de la formation viti-oeno du lycée de Kerplouz, dans le Morbihan.

WARNING : cet article concerne uniquement l’installation sur les quatre départements de la Bretagne administrative, dépourvue en 2024 de filière viticole. Si vous voulez produire du muscadet en Loire-Atlantique, rapprochez-vous des instances du Vignoble nantais. Et si vous voulez rebondir sur cet article pour revendiquer la bretonitude du muscadet, svp faites le respectueusement, sans harceler quiconque ni crier au grand complot. Bisous.

La Bretagne attire les porteurs de projets viticoles. Les vignerons déjà installés en témoignent : ils reçoivent chaque semaine des coups de fil de personnes qui projettent de démarrer un vignoble dans un des quatre départements. Le changement climatique crée de fait de nouvelles opportunités, et l’UE a levé en 2016 l’interdiction d’y planter de la vigne.

Mais attention, la Bretagne « ce n’est pas l’Eldorado », prévient Aurélien Berthou, responsable pédagogique du BPREA viticole du lycée agricole de Kerplouz (dans le Morbihan). « Vignes et humidité ne font pas bon ménage. Il faut donc être très motivé et surtout bien mûrir son projet » avant de se lancer.

#1 Se former

#2 Se rapprocher de l’ARVB

#3 Rencontrer des vignerons

#4 Trouver le terrain

#4 bis L’étude de sol et le choix des cépages

#4 ter Trouver l’argent

Comment devenir un vigneron breton ?

Photo prise en février 2024 dans les vignes du domaine des Terres-Neuvas, à Erquy (22), chez Laurent Houzé.

#1 Première étape pour devenir vigneron breton : se former

Évidemment, ce conseil vaut pour n’importe quel projet d’installation viticole. Mais si Aurélien le rappelle, c’est sans doute que ce n’est pas évident pour tout le monde…

Dans le Morbihan, le lycée de Kerplouz (Auray) propose depuis 2021 des formations viti-oeno, et notamment le fameux BPREA viti-oeno. Pour s’installer, une formation longue type BPREA (brevet professionnel responsable d’exploitation agricole, 11 mois) ou BTS est quasi-indispensable.

D’abord parce que le métier de vigneron est complexe, et qu’il nécessite un solide bagage technique, de la plantation de la vigne à la culture, en passant par les vinifications, la gestion commerciale, la conduite de tracteur, etc. Ensuite parce que pour obtenir le statut de « jeune agriculteur » et les droits qui vont avec (accès aux terres agricoles, aides à l’installation…), détenir une « capacité professionnelle » attestée par la possession d’un diplôme est obligatoire. Enfin, pour avoir le droit d’utiliser des pesticides (y compris ceux autorisés en bio), il faut aussi un permis phyto.

D’autres formations longues existent, et à peu près toutes les régions viticoles ont leurs écoles spécialisées. Les plus proches sont celles de Loire-Atlantique (au lycée de Briacé, au Landreau), d’Angers (ESA d’Angers) et de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Mais il en existe partout en France. Le lycée de Montmorot, dans le Jura, est le seul à proposer un BTS viticulture-œnologie mention agriculture bio.

 

#2 Se rapprocher de l’ARVB

L’association pour la reconnaissance du vignoble breton (ARVB) réunit des vignerons amateurs qui cultivent de la vigne en Bretagne administrative. Même si les membres ne sont pas des vignerons professionnels et qu’ils n’ont pas le droit de vendre leur vin (ni forcément l’envie, d’ailleurs), certains ont déjà pas mal de millésimes en cave. Certains membres sont aussi agriculteurs professionnels par ailleurs, avec un bagage technique précieux.

L’association concentre une foule d’informations utiles : des données sur le climat, l’histoire viticole locale, les cépages testés à droite et à gauche, des contacts précieux, des retours d’expérience divers et variés. Ils connaissent le sujet par cœur, organisent des formations, des dégustations et se réunissent en assemblée générale en fin d’année.

 

#3 Rencontrer des vignerons

Ils sont une vingtaine en 2024, mais les vignerons bretons existent dans les quatre départements et ont déjà surmonté pas mal d’obstacles. La plupart des domaines agricoles existant (dont celui d’Aurélien Berthou) sont membres de l’AVB, association des vignerons bretons.

Evidemment, explorer le vignoble français et aller chercher l’inspiration (et les conseils) dans des vignobles reconnus, c’est aussi une bonne idée ! A peu près tous les vignerons que nous connaissons ont au moins un « mentor » : un ou plusieurs autres vignerons à appeler pour résoudre les petits ou les grands problèmes.

 

#4 Trouver le terrain

Trouver du foncier pour planter votre vigne ne sera pas l’étape la plus facile. « On commence à s’intéresser à nos projets dans les organismes tels que la SAFER ou la Chambre d’Agriculture », témoigne Aurélien. « Mais la réponse peut être très variable, souvent on ne nous prend pas au sérieux. » Pour autant, les règles sont les règles, et « je n’ai pas entendu le cas de personnes (formées) recalées par la SAFER ».

Trouver du foncier agricole n’est simple nulle part, encore moins dans les zones de forte pression urbaine. A commencer par la côte morbihannaise. « Il y a des fermes à vendre, mais souvent avec des très grandes surfaces. Ou alors ce sont des petites surfaces qui conviendront plutôt à un maraîcher. Un vigneron a besoin de 3 ou 4 hectares au minimum. » SAFER, RDI de la Chambre d’agriculture, Le Bon Coin, les mairies, Terre de Liens, le bouche à oreille : il faut taper à toutes les portes ! Avoir un réseau local fait la différence.

📌 Où planter de la vigne en Bretagne ? Difficile de répondre à cette question, il n’y a pas de « carte des terroirs viticoles bretons », et pour cause. Mais notons qu’il s’implante depuis 2016 des vignes dans les quatre départements. Que la région de Sarzeau / Auray concentre pas mal de projets. Que les terrains sont majoritairement constitués de granit ou de schistes. Que le centre-Bretagne ou la grande région maraîchère du Nord-Finistère sont raisonnablement à écarter.

➡️ Armez-vous de patience : Aurélien conseille de prévoir « au moins un an de recherches », et même deux jusqu’à la plantation de vignes. Convaincre le propriétaire, conclure la vente (ou signer le bail), obtenir les droits de plantation, puis commander les pieds de vigne. Si on ajoute le temps de formation, « ce sont des projets à cinq ans…pour ceux qui ont de la chance. » Et il faudra encore ajouter trois ans après la plantation pour avoir du raisin, quatre pour le vin.

💰 Côté prix la fourchette va de 4000€ l’hectare sur les terres les plus pauvres, à 12000€ pour les meilleures. « Mais celles-là conviennent mieux à des légumes que de la vigne, qui va sur des terres pauvres. En réalité, on est très rarement en concurrence avec les agriculteurs bretons. Le vigneron aime les terres incultes ou peu intéressantes… »

#4 bis L’étude de sol et le choix des cépages

Une fois le terrain possible identifié, prévoyez une étude de sol par un bureau d’études. Faute de cartographie viticole détaillée, c’est le seul moyen aujourd’hui pour vraiment connaître les qualités du sol et du sous-sol, et leur potentiel viticole. Une visite approfondie s’impose aussi, pour observer la végétation, les eaux stagnantes, etc. « Questionner les agriculteurs sur leurs rendements, les années de gel, etc. est aussi conseillé. »

🍇 Cela permet ensuite de sélectionner le « matériel végétal », autrement dit le cépage et son porte-greffe adapté aux conditions de la parcelle. « Il faut prendre ce temps nécessaire pour trouver le bon terrain et le cépage adapté, plutôt que de se contenter d’un terrain par défaut. La vigne est une plante pérenne… les erreurs du début, elles vont durer trente ans ! »

La Bretagne est une « page blanche » pour la vigne. Il n’y a pas d’appellation viticole (les vins produits seront des « vins de France »), donc pas de cahier des charges, pas de règles. Avantage ou inconvénient, selon les tempéraments.

Pour l’instant, selon nos observations, le cépage le plus planté est le chardonnay, et de loin (presque tous en plantent au moins un peu). Suivi par le chenin et le savagnin. Pour le rouge, le pinot noir a la cote. Mais on trouve d’ores et déjà en Bretagne du viognier, de l’albarino, du grolleau, du pineau d’Aunis… Et aussi assez souvent des variétés dites résistantes ou hybrides (souvignier gris et solaris).

 

#4 ter Trouver l’argent

Le foncier agricole breton est peut-être accessible comparé à des « grands » vignobles… mais planter de la vigne et la cultiver, aménager voire construire un chai de vinification, vendanger et construire une marque commerciale à partir de zéro, non. Surtout qu’il faudra attendre quatre ans entre la plantation des premiers ceps et la vente de la première bouteille. Quatre années durant lesquelles il faudra tailler, ébourgeonner, traiter, etc. = un boulot à temps plein, sans revenus.

Des échos entendus sur le terrain, il semblerait que les banques « suivent » et acceptent de financer, pour l’heure, des projets viticoles (des dossiers solides, s’entend). Elles peuvent faire appel à des experts vignes d’Anjou ou d’ailleurs, pour analyser un business plan. Certains domaines bretons en cours de création ont aussi des « financeurs » extérieurs, du simple crowdfunfing à l’investisseur plus classique, en passant par une collectivité (la commune de Sarzeau, pour le domaine de Rhuys).

Il est vrai aussi que les porteurs de projet rencontrés en Bretagne ont pour beaucoup eu une autre vie avant, et un apport personnel. Et aussi un ou un.e conjoint.e avec des revenus réguliers, ou une double activité (production de cidre, négoce de vin, chambres d’hôtes, ouvrier agricole…). Une famille bretonne, voire, pour certains, des attaches agricoles bretonnes.

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