Martin Cubertafond : « Mettre en danger un producteur pour le plaisir intellectuel d’un consommateur, ça n’a pas de sens »
Rencontre. Prof de stratégie de l’entreprise à Sciences po, Martin Cubertafond se décrit comme “baignant dans le capitalisme”. Son activité principale aujourd’hui consiste à conseiller “des grosses PME du vin”. Mais c’est aussi un fan de vins naturels qui porte un regard décapant sur l’inertie de la filière.
Decanter a présenté fin 2024 les vins naturels comme un aperçu du futur. Et vous, quel vin vous emmènerez sur la planète Mars ?
” J’irai tout à l’inverse. Autant les vins naturels sont ce qu’on fait de mieux en termes d’innovation et de réinterprétation du vin. Mais là, je prendrai une bouteille d’avant-guerre, voire préphylloxérique, un morceau de patrimoine à partager avec les Martiens.”

» On croit que les jeunes ne nous aiment pas, mais c’est nous le problème. »
Vous avez participé à une conférence qui avait fait du bruit, à Vinitech, en traitant le monde du vin français de”réac”. Question : c’est quoi un vin de hippie ?
“Déjà, dans les vins naturels il y a beaucoup de réacs. Mais le terme “réac” reposait sur une étude présentée par l’IFOP et très sérieuse, qui montre que le vin est associé au monde d’avant. Alors pour moi, un vin de hippie est un vin d’équilibre, autant pour le consommateur que son producteur. Si par la prise de risques, le vin met en risque vital son producteur, ce n’est pas un vin équilibré. Il faut un équilibre entre la nature, les hommes et femmes qui le font et ceux qui vont le boire et le distribuer. Mettre en danger un producteur pour le plaisir intellectuel d’un consommateur, ça n’a pas de sens.”
L’arrachage de vignes continue, mais il va être moins important qu’anticipé pour le vignoble français. Vous avez une autre bonne nouvelle à annoncer pour la filière viticole ?
“Oui ! Les jeunes générations, et tous ceux qui n’ont pas cette culture du vin parce qu’ils viennent d’ailleurs, qu’on ne leur a pas appris, ils rêvent de découvrir l’univers du vin. C’est juste qu’on leur fait peur. Il suffit qu’on se tourne vers eux. On croit qu’ils ne nous aiment pas, mais c’est nous le problème. On peut leur proposer un monde extraordinaire, qui correspond à leurs attentes, parce que le vin, c’est la nature et une histoire.”
Et votre bilan carbone dans tout ça ? ”Le sujet est essentiel au niveau individuel et collectif. Il pose la question de la pertinence de faire voyager du vin dans du verre. Si c’est du vin qui sera consommé dans 20 ans parce qu’il véhicule une part d’histoire, OK. Mais si c’est pour finir dans un supermarché anglais à 4,99 pounds en soldes… Je crois au transport à la voile, à la mise en bouteille sur place, ou au consommer local.”
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