« Comment le vin s’est emmerdifié tout seul »
Veille. Pour Paul Tinkell, consultant américain en marketing et commerce du vin, la filière viticole a créé elle-même le désamour des consommateurs à son égard. Comment ? L’emmerdification.
La veille – 10/09/25

Cet article est un résumé commenté de cet article en anglais publié par Paul Tinknell , consultant en marketing et stratégies commerciales du vin aux Etats-Unis, en août 2025. L’article est listé dans la veille Vinofutur de septembre.
Photo : couverture du livre “Le vin snob, propos décapants sur un milieu qui a tendance à se prendre au sérieux”, Jacques Orhon, 2016, éd. Eyrolles.
Vous connaissez l’emmerdification, “enshittification” en VO ? Ce terme, apparu en 2022 décrit la stratégie qui consiste à dégrader progressivement, et de façon intentionnelle, un produit ou un service, afin de pouvoir en tirer un maximum de profit. Le mot s’applique surtout aux services numériques, à toutes ces plateformes qui, une fois devenues hégémoniques et incontournables, arrêtent tout effort et se contentent d’encaisser votre abonnement et de vous proposer de plus en plus d’extras.
Appliqué à la filière viticole par un expert américain en marketing du vin, ça donne un empilement de stratégies égo-maniaques, ciblant uniquement le profit, qui ont rempli les poches de certains… tout en s’aliénant le client initial. L’article liste 10 clés de ce pourrissement, on vous en a résumé quelques unes :
→ La premiumisation.
Le concept : puisque les nouvelles générations “consomment moins mais mieux”, augmentons le prix du vin de façon lunaire, sans aucun lien avec la réalité des coûts de production, parce que si le vin est plus cher, le client en déduira que le vin est meilleur. “La premiumisation a (…) transformé le vin, autrefois un luxe abordable et fréquent, en une boisson réservée aux occasions spéciales. Dépasser les prix de la concurrence a convaincu les consommateurs de se tourner vers la bière, le cidre, les sipiritueux, etc. pour les occasions plus décontractées.”
→ La concentration des producteurs de vin.
Aux Etats-Unis, “les cinq plus grands vignobles (GALLO, The Wine Group, Constellation Brands, Delicato Family Vineyards et Trinchero Family Estates) représentent ensemble plus de 58 % des ventes sur le marché du vin américain”, et le top 50 = 90% du business. En France, ça reste un peu moins vrai… quoique LVMH pesait 46% des cognacs et 22% des champagnes en 2019, et “six des dix marques les plus consommées dans l’Hexagone appartiennent” à Castel (source : Le Monde, 2019).
Résultat : “Si tous les sauvignon blancs ont pratiquement le même goût, alors le rôle du vin dans notre société se réduit à apprécier uniquement des vins chers achetés pour des occasions spéciales.”
↳ Un phénomène à mettre en parallèle avec la concentration des vendeurs de vin, qui pousse également vers la standardisation. En France, 81% des consommateurs de vin l’ont acheté en grande distribution, et 24% chez un caviste (source : baromètre SoWine 2025).
→ Les prix du vin au restaurant.
“Obscènes, tout simplement”. Paul Tinknell associe cette stratégie à celle des compagnies aériennes low-cost qui, profitant que vous avez déjà acheté votre billet, vont tenter de vous faire payer un maximum d’extras pour votre valise, choisir votre place, faire la queue moins longtemps, etc. “Une fois que le client est fondamentalement engagé, l’envie d’en tirer davantage devient irrésistible.”
→ Les allocations et clubs.
“Enfermer vos meilleurs [vins] dans des programmes de club [/ systèmes d’allocations] pour en tirer un maximum de profits ne crée pas de loyauté réciproque avec les nouveaux buveurs de vin ou les clients occasionnels.”
→ La notation des vins.
“Les notes attribuées aux vins ont entraîné homogénéité et médiocrité, notamment pour les cépages les plus populaires. Par conséquent, les vins anciens et régionaux peinent à obtenir une exposition médiatique et un public plus large pour leurs vins uniques.”
↳ On pourrait ajouter les concours et médailles, mais aussi tous les livres à base de “sélections des meilleurs vins”, qui, à force de se multiplier, finissent par perdre toute valeur et surtout à convaincre le consommateur qu’il a besoin d’experts patentés pour choisir un vin et ne pas se faire escroquer.
→ Les influenceurs.
“La capacité d’attention de plus en plus réduite des générations connectées contraint le marketing du vin à simplifier son message pour le réduire au contenu le plus court et le plus inoffensif possible, occultant ainsi les qualités qui font l’intérêt du vin. On voit plutôt des clips banals de vignobles et de jeunes visitant des régions viticoles, mettant l’accent sur la visite plutôt que sur le vin.”
Si vous voyez d’autres stratégies “emmerdifiantes”, partagez !
La solution : redécouvrir pourquoi les gens devraient aimer le vin
“La Grande Dépression du vin n’est pas seulement le résultat de forces macroéconomiques ou de changements culturels. C’est aussi le résultat d’une industrie de plus en plus déconnectée de ses consommateurs, de son patrimoine et de l’essence même de ce qui fait la spécificité du vin. Si l’industrie viticole veut inverser la tendance, elle doit redécouvrir non seulement comment vendre du vin, mais aussi pourquoi les gens devraient l’aimer.”
💡 Des solutions concrètes sont aussi proposées dans l’article.
Cet article est un résumé commenté de cet article en anglais publié par Paul Tinknell , consultant en marketing et stratégies commerciales du vin aux Etats-Unis, en août 2025. L’article est listé dans la veille Vinofutur de septembre.
Photo : couverture du livre “Le vin snob, propos décapants sur un milieu qui a tendance à se prendre au sérieux”, Jacques Orhon, 2016, éd. Eyrolles.
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