Benoît D’Onofrio : “Ça m’émeut qu’une chose aussi simple que des graines de courge livre une boisson d’une complexité redoutable”

Rencontre. Le Sobrelier Benoît d’Onofrio publie cet automne un “Guide pour faire du jamais bu” (éd. du Chêne). Les processus de la décoction, infusion, macération, distillation, etc. y sont détaillés, avec des recettes. Objectif : permettre à chacun de reproduire ces gestes de druide et de se réapproprier le goût des choses.

Les Vinofuturistes – 22/10/25 – Propos recueillis par J.R.

Benoît d'Onofrio, dit le Sobrelier, publie un "Guide pour faire du jamais bu".

« J’ai entendu le créateur d’une marque de vin désalcoolisé dire que c’était une autre expression du vin. Ça me désespère de voir qu’on pousse aussi loin le discours commercial.« 

Ici, retrouvez toutes les infos sur le livre, publié aux éd. du Chêne. 384 pages, 49,90€. 

L’été dernier, une start-up espagnole a essayé de nous vendre un énième “vin bleu” né d’une « rébellion créative » prête à « changer le monde »! Le “jamais bu” n’a-t-il donc aucune limite ?

“Si le ‘jamais bu’ doit être au service de logiques d’enrichissement outrancières, hélas il n’y a pas de limites. D’anciens élèves d’école de commerce sont prêts à tout pour se recaser… J’ai aussi entendu le créateur d’une marque de vin désalcoolisé dire que c’était une autre expression du vin. Ça me désespère de voir qu’on pousse aussi loin le discours commercial. Et de voir des gens, amateurs non éclairés, souscrire à cette formule… On est mal barrés. Quand tu ne t’intéresses pas à la façon dont ce que tu consommes est produit, on arrive à ça. C’est d’un cynisme crasse de sortir ce genre de formule.”

Creme Puff, le chat le plus vieux du monde, a vécu 38 ans en buvant du vin tous les deux jours. Toi qui n’en bois plus du tout et qui concoctes mille breuvages, as-tu un élixir de longue vie dans ton livre de recettes ?

“Déjà, je tire mon chapeau à ce chat. Je ne sais pas combien de temps je vivrai, mais je sais que je veux une vie où je continuerai à m’émerveiller au quotidien. Et pour ça, Pumpk’Offee, la boisson que je sers en rituel au restaurant Ogata [où il est en résidence jusque mi-décembre, ndla], en ouverture. Le principe est celui d’une une extraction de café, mais à partir de graines de courges torréfiées. A chaque fois, ça m’émeut, de voir que d’une chose aussi simple que des graines de courge livre une boisson d’une complexité redoutable, totalement umami, avec du salé, du sucré, de l’amer, de l’acide, une longueur de dingue, des tannins, des arômes ultra réconfortants de chocolat au lait, de café… C’est assez dingue. La boisson qui me ferait retomber en enfance, c’est celle-ci. Elle me reconnecte à chaque fois à la magie du monde.”

 

Les chercheurs ont remarqué que les grands singes aiment se rassembler pour consommer des fruits fermentés. Quel type de boisson recommandes-tu pour faire passer une réunion qui s’éternise ?

“Il va falloir une boisson capable de détourner l’attention, sans que ça se voie. Par exemple une boisson fermentée spontanément, les seules capables d’embarquer un max d’information pour un propos gustatif ultra-complexe. En ce moment, j’ai une cuvée au profil dingue, enivrant même sans alcool, réalisée avec les dernières fraises, de la sauge et du piment oiseau. Ça prend un mois de fermentation. Il y a un caractère assez empyreumatique, et même temps tropical, litchi, grenade. Un truc assez captivant, avec à la fin le piment, doux mais tonique, qui donne presque l’impression d’avoir bu de l’alcool. Ça peut t’occuper l’esprit quelques minutes, pour te faire oublier que la réunion n’est pas si intéressante.”

 

Et ton bilan carbone, dans tout ça ?

“Ah ! Ca fait partie de mes préoccupations. Dans mon engagement pro et ma vie privée, je pense qu’on est pas mal. Je n’ai plus de chauffage chez moi. Je ne prends plus l’avion depuis deux ans. Je suis végétarien. J’essaie de tout faire à pied. Mais en réalité… j’ai une grosse contradiction : je fume. Il y a des choses sur lesquelles je travaille et je ne lâche rien. Mais à côté de ça, il y a cette cigarette… Comme quoi, il faut être doux avec nos contradictions et celles des autres. J’ai déjà arrêté l’alcool, et ça a été vraiment difficile. Là je viens de passer deux ans à penser que c’était gagné… mais non. C’est chaque jour que je dois arrêter. Allez, je te prends à témoin : en 2026, avant la fin de l’été, j’aurai arrêté cette relation toxique.”

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