Antonin Iommi-Amunategui : “Le vin naturel n’est pas un vin comme les autres, l’oublier c’est problématique”
Rencontre. Défenseur emblématique des vins naturels, auteur, éditeur, organisateur de salons… Antonin Iommi-Amunategui est de ces gens qui font plein de choses, qu’on voit partout et qui restent pourtant fidèles à eux-mêmes. Et il a joué le jeu de l’interview vinofuturiste, quelques jours avant la 11e édition parisienne du salon Sous les Pavés la Vigne, du 17 au 19 mai 2025.
Il paraît que Kim Kardashian a perdu une de ses maisons dans les incendies de LA en janvier. Et toi, as-tu déjà perdu quelque chose à cause du changement climatique ?
“Des illusions sur l’espèce humaine ? On voit bien à quel point la plupart des décideurs ne prennent pas la mesure, pour parler poliment, de cette catastrophe dont ils sont largement et activement responsables. Après eux le déluge. Et tout en haut de la pyramide, on a clairement affaire à une bande de grands sociopathes qui ont perdu toute forme d’empathie depuis l’âge de 7 ans et demi… Alors on attend quoi pour voter Poutou ? Bon, on ne peut plus, il s’est reconverti en libraire. Mais lire ça peut être un bon début pour se mobiliser.”

« La grande vérité sur le vin ? Eh je ne vais pas révéler ça comme ça, à l’arrache ! »
Ça fait plus de 25 ans que certains expliquent que le vin naturel n’existe pas et que ça ne marchera jamais. Quelle grande vérité du vin as-tu mis autant de temps à comprendre ?
“Alors là je me permets de vous renvoyer vers mon Guide des vins dont vous êtes le héros ou l’héroïne, car l’un des trésors du livre – c’est en effet le premier bouquin à offrir de véritables récompenses aux lecteurs, et ça c’est tout simplement inédit en littérature – ce sont les 10 vérités absolues sur le vin… Eh je ne vais pas les révéler comme ça, à l’arrache ! ”
Il y a un vigneron alsacien qui propose du jus de raisin fermenté sans alcool, via un processus totalement naturel. De ton côté, quelle est la dernière dinguerie de ce genre que tu as goûtée (et c’était comment) ?
“Alors sans aucun doute les « sobrevages » de Benoît d’Onofrio, qui se qualifie lui-même de sommelier et de « sobrelier ». Il récupère toutes sortes de choses, fruits, fanes, herbes, céréales, j’en passe et des meilleures, pour les assembler et en faire des breuvages naturellement sans alcool franchement dingues. Depuis peu, il a pignon sur rue, à la Sobrellerie à Paris, où on peut notamment trouver ses nectars, produits en quantité limitée et renouvelés sans cesse, avec les beaux rebuts aléatoires qu’il dégote dans les restos de ses potes. Il les proposera d’ailleurs à « Sous les pavés la vigne« , du 17 au 19 mai 2025, où il aura son propre stand. » [Vinofutur aussi, ndla]
Tu as publié dans Libération une tribune pour repolitiser le vin naturel, mais plein de gens se sont déjà fâchés avec tous leurs tontons en ramenant du vin nat’ aux repas de famille. Tu cherches la bagarre ou quoi ?
« Tu connais sûrement la phrase « l’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ». Eh bien, pour moi, c’est pareil avec le vin naturel : si on en fait ou on en boit sans conviction politique solide, sans arrière-pensées un minimum structurées, on est juste en train de superficiellement s’encanailler le gosier et on mérite les taquets des boomers fâcheux qui nous traitent de sales bobos à la moindre occasion. Le vin naturel, j’adore ça, je le défends comme je défends celles et ceux qui le font ou le vendent depuis plus de 15 ans, mais c’est aussi un média, un porte-voix, un agitateur liquide, un prétexte… Bref, un véritable outil politique dont il faut se servir. Bon, on a aussi le droit de boire un coup sans se prendre le chou hein. Mais le vin naturel n’est pas un vin comme les autres, l’oublier c’est problématique et j’ai le sentiment que c’est l’écueil vers lequel on se dirige tout schuss. »
Et ton bilan carbone dans tout ça ?
“Je n’ai pas de voiture, je prends l’avion une fois tous les trois ans grand max, je n’ai pas de télé, je vomis l’IA, je suis un ours ? Non, en vrai, je passe beaucoup de temps la tête dans les écrans, je recharge mon téléphone trois fois par jour. Pas terrible. Mais ce n’est pas aux citoyens à individuellement renverser la donne, on ne peut pas s’extraire d’un système qui n’a pas réellement d’alternative. Non, c’est d’abord aux politiques à se sortir les doigts… et à nous de voter pour les bons. Le prochain Poutou il est où ?”
Participez au vin de demain !
Une veille mensuelle ciblée sur les futurs du vin, les combats progressistes à mener, les innovations techniques ET politiques à tester… Chaque mois dans votre boîte mail. Il suffit de s’abonner.