#25 Le vin désalcoolisé est-il le vin du futur ?
Le vin désalcoolisé, ou vin sans alcool, est LE phénomène médiatico-commercialo-marketing de l’année 2025 sur la planète vin. Derrière le buzz, beaucoup d’espoirs pour une filière en perte de vitesse. Trop ?
Décryptages / #25 – Julie Reux

Les chiffres du succès du vin désalcoolisé
📈 Les analystes de Fact.MR prévoient un taux de croissance annuel de 10,4 %, et un marché de 7,64 milliards de dollars d’ici 2035, tiré par les Etats-Unis et l’Europe occidentale.
🍷 Début 2025, 17% des Français avaient déjà bu du vin désalcoolisé (vs 61% pour la bière), un pourcentage en forte augmentation (+7 points par rapport à 2024). (source : baromètre So Wine 2025) En 2025, le segment du vin sans alcool représenterait environ 3 % du marché total du vin en France (source Allied Market Research).
↳ Une unité de désalcoolisation a vu le jour dans le Gers en juin 2025.
🇪🇺 En 2021, l’UE a réglementé le vocabulaire à utiliser, facilitant ainsi leur commercialisation. En 2025, elle a même donné son feu vert pour la désalcoolisation des vins bio par évaporation sous vide partielle. Pour l’UE, la désalcoolisatio du vin semble être une voie de sortie de crise pour la filière.
Objectivement, on peut donc déjà parler de succès pour ce segment qui existait à peine il y a encore quelques années. La vraie question est donc : est-ce que ça va durer ? Et la question subsidiaire : est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
✅ Le verre à moitié plein
- Dry January, No Lo, Sober curious… Le vin sans alcool répond (en théorie) aux attentes des consommateurs, tout en les maintenant dans l’univers du vin. La part de Français ne consommant pas d’alcool (17% en 2025) augmente, ce qui reste, en termes de santé publique, une bonne nouvelle.
- De nouveaux débouchés s’ouvrent aux producteurs (nouveaux consommateurs, nouveaux moments, nouveaux pays), qui en ont bien besoin en ce moment. C’est peut-être une des clés pour sauver la filière viticole.
- Pour une filière perçue comme conservatrice et figée dans le temps, ça ne fait pas de mal d’avoir quelque chose de nouveau à présenter.
- Les techniques de désalcoolisation (osmose inversée ou évaporation) ne cessent de s’améliorer.
❌ Le verre très vide du vin désalcoolisé
- Le vin désalcoolisé, ce n’est plus vraiment du vin, boisson issue de la fermentation alcoolique du raisin. L’utilisation du mot peut même paraître abusive.
- Gustativement, le résultat reste souvent décevant. L’alcool joue un rôle crucial dans l’équilibre organoleptique : il apporte du corps, de la longueur et soutient les arômes. Les versions désalcoolisées sont souvent perçues comme plates, acides, voire sucrées pour compenser le manque de texture.
- Avec le vin désalcoolisé, on transforme un produit très valorisé, lié à un terroir et des traditions, en un énième produit agro-alimentaire ultra-transformé.
- Les techniques de désalcoolisation consomment beaucoup d’énergie, et coûtent cher. Les installations sont rares, ce qui oblige les producteurs à faire voyager leurs vins pour les désalcooliser, et à dépendre d’acteurs tiers. Pas très robuste, comme modèle.
- Le marché des “softs” ou boissons sans alcool est déjà bien encombré, et par des mastodontes qui plus est. Il va donc falloir BEAUCOUP de marketing, et BEAUCOUP de R&D pour faire du vin désalcoolisé un produit compétitif sur le long terme. Le monde a-t-il réellement besoin de vin désalcoolisé ?↳ Si le vin continue de perdre en popularité, quid du vin sans alcool ?
D’autres options existent pour les producteurs :
- diversifier sa production vers des jus de fruits, des infusions, des kombuchas de raisin, etc.
- revisiter la piquette et tout ce qui permet de produire des vins peu alcoolisés.
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