Face à la crise : le « 1er syndicat viticole français » fait le point

3h30 de visio, avec (presque) tout le gratin de la filière viticole française. La CNAOC (qui rassemble toutes les appellations viticoles françaises) organisait mardi 26 novembre 2025 un “grand oral” ouvert aux 58000 vigneron·nes, qui avaient pu adresser leurs questions en amont. Le jour J, ielles avaient de toute évidence autre chose à faire, mais Vinofutur était là. On vous résume tout en 10 points :

Actus – 26 novembre 2025 – J.R.

Crise viticole : Jerôme Bauer, de la CNAOC, répond aux questions des vignerons.

1/ Pas de traitement de faveur pour le vignoble français dans l’UE

La guest-star de la matinée, c’était le commissaire européen à l’Agriculture, le Luxembourgeois Christophe Hansen. C’est lui la clé (ou le verrou) du “Paquet Vin” et de la réserve de crise agricole de l’UE, sur laquelle lorgne la filière pour financer les besoins d’arrachage (il manque 70 millions d’€ pour l’instant). Ce monsieur a été très affable, mais n’a rien promis. Il a simplement rappelé les grandes lignes de ce Paquet qui s’applique à tous les vignobles européens : limiter les plantations, encourager l’oenotourisme, faciliter les arrachages (mais pas nécessairement les financer), et soutenir l’innovation (et notamment la désalcoolisation). Reste à valider tout ça “avant la fin de l’année”.

2/ Terres de mission

Sur la crise commerciale, la solution mise en avant, c’est la conquista de nouveaux marchés à l’export : l’Inde, le Brésil, la Thaïlande. Il y aurait là, promettent les têtes de filière, des “millions” de consommateur·trices assoifé·es, qui n’ont pour l’instant que des vins australiens à se mettre dans le gosier. Ça vous rappelle la Chine ? Nous aussi.

3/ Le vin à deux doigts d’être “cancel” en France

En France, le vin a un sérieux problème d’image. Il est perçu soit comme trop compliqué et trop élitiste, soit comme trop ringard : quand il se présente avec gourmandise comme l’étendard du “vrai bon Français du terroir”, il est en réalité perçu comme l’accessoire préféré du “tonton gênant”, voire le cache-sexe d’un discours politique nauséabond. Dans tous les cas : un produit qui exclut. Le vin a besoin de travailler sur l’inclusivité, et vite.

Plusieurs voix ont plaidé pour investir dans “la com”. “Les Italiens mettent 100 millions d’€, ils chassent en meute et ça marche. Nous, on a mis 40 millions d’€”, a évoqué Bernard Farges. Une campagne collective de promotion du vin (sans régionalisation) est justement dans les tuyaux.

Mais attention aux raccourcis : “Les Français ne détestent pas du tout les vignerons et le vin, a rappelé la directrice de Vin & Société*. Les enquêtes montrent plutôt une cote de popularité digne d’une république bananière. Si vous pensez le contraire, c’est peut-être qu’il y a une grande thérapie de groupe à avoir.”*

4/ La loi Evin n’est PAS le problème du vin.

La baisse de consommation de vin a été deux fois plus rapide AVANT la loi Evin (des années 60 à 90) que depuis sa promulgation. Et la bière, soumise à la même loi, s’en tire très bien. La directrice de Vin&Société (le lobby de la filière) a aussi souligné que rouvrir le dossier au Parlement risque de conduire… à une loi beaucoup plus sévère. Bref : il faut faire avec.

5/ L’oenotourisme est une corne d’abondance négligée par le vignoble.

 

📸 Jérôme Bauer, vigneron en Alsace et président de la CNAOC – Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlées – a défendu le rôle des appellations. (capture d’écran).

6/ Entre production et négoce, le torchon brûle.

Les producteurs reprochent aux négociants de s’engraisser sur leur dos (en résumé) et de leur faire porter seuls les impacts de la crise. Les négociants expliquent que ce n’est pas leur faute si les vins ne se vendent plus et qu’ils font ce qu’ils peuvent et que laissez faire les professionnels.

7/ Non c’est non

Sur le sujet des interdictions de pesticides (et notamment du cuivre), c’était à qui aurait le ton le plus viril et le plus martial pour dire que “ça suffit les conneries”. Le message passé était limpide : pas de négociation sur ce sujet. Dans les commentaires du chat, on a vu quelques doutes émaner, en mode “quand même, c’est pas terrible le cuivre”. Mais ils n’ont pas été relayés.

8/ La paperasserie, c’est pénible

L’intervention qui a provoqué le plus de commentaires dans le chat : celle d’un représentant de la DGCCRF. La mise à jour la même année de trois plateformes administratives a été mal vécue par les producteur·ices, de toute évidence. Le fonctionnaire a promis de ne plus recommencer et assuré que l’administration ne considérait pas les vigneron·nes comme “des voyous”.

9/ Au boulot, les ODG

Sur l’évolution des appellations, le message de l’INAO a aussi été clair : le changement ne pourra venir que des vigneron·nes dans leurs ODG respectifs. L’INAO a mis des outils à disposition, aux producteur·ices de bosser sur leurs cahiers des charges, désormais, en se projetant sur le long terme si possible.

10/ LES AOP, c’est bien parce que

Les AOP sont-elles un signe moderne ? Pour la CNAOC – quelle surprise- c’est oui. “Il faut arrêter l’hémorragie” vers les vins de France, a-t-on entendu. Pourquoi ? “Parce que les AOC, c’est ce qui a permis au vignoble français de devenir ce qu’il est aujourd’hui, et que ceux qui veulent innover peuvent le faire ailleurs” a été la réponse (en substance). Commentaire lu dans le chat : “Quand la CNAOC dit de faire du vin de France pour imaginer l’avenir, c’est le début de sa fin”.

A noter : l’ANIVIN (association qui représente les vins de France), n’était pas invitée au débat. Ni les syndicats agricoles. Dommage.

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