Le cuivre des vignerons bio en sursis ?
Veille. Pendant l’été 2025, l’ANSES a démontré que la viticulture bio est dépendante du cuivre. Puis a interdit 20 produits à base de cuivre pour la viticulture. Mais l’histoire n’est pas encore terminée. On vous la résume en 4 points clés.
La veille – 17/09/25

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La viticulture bio est dépendante du cuivre
En juin 2025, l’ANSES a publié une étude sur les “Impacts socio-économiques de la limitation ou du retrait des produits phytosanitaires à base de cuivre en agriculture”. Le cuivre est en effet une substance classée comme “candidate à la substitution”, au même titre que le glyphosate, par exemple.
Dans les conclusions, on peut lire que
1/ Des alternatives au cuivre existent mais sont “éco-systémiques”, mal documentées et, pour la vigne, souvent longues à mettre en place. Parmi les alternatives prometteuses sont citées notamment : les variétés tolérantes aux maladies, les produits de biocontrôle, et les solutions mécaniques comme les “vititunnels”. L’ANSES écarte le concept même d’une nouvelle molécule miraculeuse qui viendrait se substituer au cuivre.
Et 2/ que la viticulture bio est plus dépendante du cuivre que la viti conventionnelle, qui utilise du cuivre mais a d’autres solutions (molécules de synthèse. Cette “asymétrie dans la dépendance” fait du cuivre “un enjeu critique pour la [viticulture] bio”. Privée de cuivre, cette filière pourrait s’écrouler… et se tourner vers les molécules de synthèse. Pour l’ANSES, la plus-value en termes de santé publique et d’environnement de la suppression du cuivre n’est donc pas évidente.
Le cuivre est écotoxique… en théorie
Quel danger le cuivre utilisé par les viticulteurs, notamment bio, représente-t-il ? Sur ce point extrêmement controversé, on peut se référer à cette fiche de l’INRAe, d’août 2022, qui récapitule l’état de la science. Pour faire court : oui, le cuivre est “écotoxique”, et oui, il migre dans les sols jusqu’aux nappes phréatiques par exemple.
MAIS, et c’est un gros mais, les teneurs actuelles de cuivre dans les sols viticoles sont le résultat d’usages passés. L’INRAe n’a pas mesuré de différence entre des sols viticoles en conventionnel et ceux en bio aujourd’hui. Les viticulteurs, écrit l’Institut, “doivent donc gérer au mieux une situation dont ils ont hérité, sans continuer à la dégrader”.
Autre MAIS souligné par les chercheurs : l’écotoxicité du cuivre est prouvée… en laboratoire. Le manque de données sur les impacts en “conditions de terrain” réelles est plusieurs fois évoqué dans la fiche. En fait, on a un coupable, mais pas de victimes identifiées, ce qui rend l’analyse très compliquée.
Le cuivre est traité comme les autres pesticides par les autorités
En juillet 2025, l’ANSES a rejeté la moitié de 31 demandes d’AMM (autorisations de mise sur le marché) de produits à base de cuivre, dont 20 utilisés par les viticulteurs bio (notamment), sur 22 examinés. Cela faisait 15 ans que les AMM de produits cupriques n’avaient pas été réexaminés, et les responsables de l’ANSES font valoir dans cet entretien à Vitisphère que cette décision est un rééquilibrage logique, dans les mêmes proportions que l’ensemble des pesticides.
Les produits qui restent autorisés sont soumis à de nouvelles restrictions d’usage. Par exemple, un cuivre en poudre passe de 12 à 3 passages autorisés dans une année, et à 1,5kg/ha/an maximum (au lieu de 4). En prime, l’utilisation de produits cupriques autorisés s’assortit désormais de ZNT (zones de non-traitement) de 10m (pour les personnes) à 20m pour les cours d’eau. La crainte des viticulteurs bio : devoir, les années à forte pression de mildiou, jongler entre différents produits et règlements, pour pouvoir protéger leur vignoble.
Tout pourrait se jouer en Italie
Les interdictions et autorisations d’AMM françaises sont entrées en vigueur. Les produits interdits déjà stockés peuvent néanmoins encore être vendus jusqu’à la fin 2025, et utilisés jusqu’à fin 2026.
Or d’ici là, l’équivalent de l’ANSES en Italie va aussi plancher de son côté sur 22 AMM de produits à base de cuivre. Si les conclusions sont différentes, la “distorsion” créée risque de créer une situation explosive.
Bilan : c’est le flou artistique.
Et ce n’est pas fini. : c’est aussi d’Italie que doit venir l’avis scientifique concernant la réhomologation du cuivre au niveau européen cette fois. L’approbation des “substances phytopharmaceutiques” par la Commission européenne est effet à durée limitée. Pour le cuivre, elle datait de 2019 pour 7 ans , et l’heure est donc venue, fin 2025, pour l’UE de revoir sa position, en se basant sur l’avis scientifique du pays en “poste” à ce moment-là, à savoir l’Italie. Le cuivre pourrait néanmoins bénéficier d’un petit sursis, l’avis scientifique italien n’étant pas prêt. Rdv début 2028.
📌 Des infos en plus
Le détail des règles mises en place par l’ANSES
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